Pierre Bourdieu : " La jeunesse n'est qu'un mot "



La sociologie est un sport de combat (2001)
Extrait vidéo (source) : "Pourquoi les jeunes des centre-villes réussissent ils mieux que les jeunes de banlieue ? Dans cet extrait du documentaire "La sociologie est un sport de combat" de Pierre Carles, Pierre Bourdieu définit dans un premier temps ce qu'est la sociologie. Puis, il tente d'expliquer ce que sont l'inégalité sociale, la reproduction sociale, les différences de capitaux et d'héritages économiques mais aussi culturels."



" La jeunesse n'est qu'un mot " :

Entretien avec Anne-Marie Métailié, paru dans Les jeunes et le premier emploi, Paris, Association des Ages,1978, pp. 520-530. Repris in Questions de sociologie, Éditions de Minuit, 1984. Ed. 1992 pp.143-154.

"Comment le sociologue aborde-t-il le problème des jeunes ?
- Le réflexe professionnel du sociologue est de rappeler que les divisions entre les âges sont arbitraires. C'est le paradoxe de Pareto disant qu'on ne sait pas à quel âge commence la vieillesse, comme on ne sait pas où commence la richesse. En fait, la frontière entre jeunesse et vieillesse est dans toutes les sociétés un enjeu de lutte. Par exemple, j'ai lu il y a quelques années un article sur les rapports entre les jeunes et les notables, à Florence, au XVIème siècle, qui montrait que les vieux proposaient à la jeunesse une idéologie de la virilité, de la virtú, et de la violence, ce qui était une façon de se réserver la sagesse, c'est-à-dire le pouvoir. De même, Georges Duby montre bien comment, au Moyen Age, les limites de la jeunesse étaient l'objet de manipulations de la part des détenteurs du patrimoine qui devaient maintenir en état de jeunesse, c'est-à-dire d'irresponsabilité, les jeunes nobles pouvant prétendre à la succession.
On trouverait des choses tout à fait équivalentes dans les dictons et les proverbes, ou tout simplement les stéréotypes sur la jeunesse, ou encore dans la philosophie, de Platon à Alain, qui assignait à chaque âge sa passion spécifique, à l'adolescence l'amour, à l'âge mûr l'ambition. La représentation idéologique de la division entre jeunes et vieux accorde aux plus jeunes des choses qui font qu'en contrepartie ils laissent des tas de choses aux plus vieux. On le voit très bien dans le cas du sport, par exemple dans le rugby, avec l'exaltation des « bons petits », bonnes brutes dociles vouées au dévouement obscur du jeu d'avants qu'exaltent les dirigeants et les commentateurs (« Sois fort et tais-toi, ne pense pas »). Cette structure, qui se retrouve ailleurs (par exemple dans les rapports entre les sexes) rappelle que dans la division logique entre les jeunes et les vieux, il est question de pouvoir, de division (au sens de partage) des pouvoirs. Les classifications par âge (mais aussi par sexe ou, bien sûr, par classe...) reviennent toujours à imposer des limites et à produire un ordre auquel chacun doit se tenir, dans lequel chacun doit se tenir à sa place.

- Par vieux, qu'entendez-vous ? Les adultes ? Ceux qui sont dans la production ? Ou le troisième âge ?
-  Quand je dis jeunes/ vieux, je prends la relation dans sa forme la plus vide. On est toujours le vieux ou le jeune de quelqu'un. C'est pourquoi les coupures soit en classes d'âge, soit en générations, sont tout à fait variables et sont un enjeu de manipulations. Par exemple, Nancy Munn, une ethnologue, montre que dans certaines sociétés d'Australie, la magie de jouvence qu'emploient les vieilles femmes pour retrouver la jeunesse est considérée comme tout à fait diabolique, parce qu'elle bouleverse les limites entre les âges et qu'on ne sait plus qui est jeune, qui est vieux. Ce que je veux rappeler, c'est tout simplement que la jeunesse et la vieillesse ne sont pas des données mais sont construites socialement, dans la lutte entre les jeunes et les vieux. Les rapports entre l'âge social et l'âge biologique sont très complexes. Si l'on comparait les jeunes des différentes fractions de la classe dominante, par exemple tous les élèves qui entrent à l'École Normale, l'ENA, l'X, etc., la même année, on verrait que ces « jeunes gens » ont d'autant plus les attributs de l'adulte, du vieux, du noble, du notable, etc., qu'ils sont plus proches du pôle du pouvoir. Quand on va des intellectuels aux PDG, tout ce qui fait jeune, cheveux longs, jeans, etc., disparaît.
- Chaque champ, comme je l'ai montré à propos de la mode ou de la production artistique et littéraire, a ses lois spécifiques de vieillissement : pour savoir comment s'y découpent les générations, il faut connaître les lois spécifiques du fonctionnement du champ, les enjeux de lutte et les divisions que cette lutte opère (« nouvelle vague », « nouveau roman », « nouveaux philosophes », « nouveaux magistrats », etc.). Il n'y a rien là que de très banal, mais qui fait voir que l'âge est une donnée biologique socialement manipulée et manipulable ; et que le fait de parler des jeunes comme d'une unité sociale, d'un groupe constitué, doté d'intérêts communs, et de rapporter ces intérêts à un âge défini biologiquement, constitue déjà une manipulation évidente. Il faudrait au moins analyser les différences entre les jeunesses, ou, pour aller vite, entre les deux jeunesses. Par exemple, on pourrait comparer systématiquement les conditions d'existence, le marché du travail, le budget temps, etc., des « jeunes » qui sont déjà au travail, et des adolescents du même âge (biologique) qui sont étudiants : d'un côté, les contraintes, à peine atténuées par la solidarité familiale, de l'univers économique réel, de l'autre, les facilités d'une économie quasi ludique d'assistés, fondée sur la subvention, avec repas et logement à bas prix, titres d'accès à prix réduits au théâtre et au cinéma, etc. On trouverait des différences analogues dans tous les domaines de l'existence : par exemple, les gamins mal habillés, avec des cheveux trop longs, qui, le samedi soir, baladent leur petite amie sur une mauvaise mobylette, ce sont ceux-là qui se font arrêter par les flics.
Autrement dit, c'est par un abus de langage formidable que l'on peut subsumer sous le même concept des univers sociaux qui n'ont pratiquement rien de commun. Dans un cas, on a un univers d'adolescence, au sens vrai, c'est-à-dire d'irresponsabilité provisoire : ces « jeunes » sont dans une sorte de no man's land social, ils sont adultes pour certaines choses, ils sont enfants pour d'autres, ils jouent sur les deux tableaux. C'est pourquoi beaucoup d'adolescents bourgeois rêvent de prolonger l'adolescence : c'est le complexe de Frédéric de L'Éducation sentimentale, qui éternise l'adolescence. Cela dit, les « deux jeunesses » ne représentent pas autre chose que les deux pôles, les deux extrêmes d'un espace de possibilités offertes aux « jeunes ». Un des apports intéressants du travail de Thévenot, c'est de montrer que, entre ces positions extrêmes, l'étudiant bourgeois et, à l'autre bout, le jeune ouvrier qui n'a même pas d'adolescence, on trouve aujourd'hui toutes les figures intermédiaires.

- Est-ce que ce qui a produit cette espèce de continuité là où il y avait une différence plus tranchée entre les classes, ce n'est pas la transformation du système scolaire ?
- Un des facteurs de ce brouillage des oppositions entre les différentes jeunesses de classe, est le fait que les différentes classes sociales ont accédé de façon proportionnellement plus importante à l'enseignement secondaire et que, du même coup, une partie des jeunes (biologiquement) qui jusque-là n'avait pas accès à l'adolescence, a découvert ce statut temporaire, « mi-enfant mi-adulte », « ni enfant, ni adulte ». Je crois que c'est un fait social très important. Même dans les milieux apparemment les plus éloignés de la condition étudiante du XIXème siècle, c'est-à-dire dans le petit village rural, avec les fils de paysans ou d'artisans qui vont au CES local, même dans ce cas-là, les adolescents sont placés, pendant un temps relativement long, à l'âge où auparavant ils auraient été au travail, dans ces positions quasi extérieures à l'univers social qui définissent la condition d'adolescent. Il semble qu'un des effets les plus puissants de la situation d'adolescent découle de cette sorte d'existence séparée qui met hors jeu socialement. Les écoles du pouvoir, et en particulier les grandes écoles, placent les jeunes dans des enclos séparés du monde, sortes d'espaces monastiques où ils mènent une vie à part, où ils font retraite, retirés du monde et tout entiers occupés à se préparer aux plus « hautes fonctions » : ils y font des choses très gratuites, de ces choses qu'on fait à l'école, des exercices à blanc. Depuis quelques années, presque tous les jeunes ont eu accès à une forme plus ou moins accomplie et surtout plus ou moins longue de cette expérience ; pour si courte et si superficielle qu'elle ait pu être, cette expérience est décisive parce qu'elle suffit à provoquer une rupture plus ou moins profonde avec le « cela-va-de-soi ». On connaît le cas du fils de mineur qui souhaite descendre à la mine le plus vite possible, parce que c'est entrer dans le monde des adultes. (Encore aujourd'hui, une des raisons pour lesquelles les adolescents des classes populaires veulent quitter l'école et entrer au travail très tôt, est le désir d'accéder le plus vite possible au statut d'adulte et aux capacités économiques qui lui sont associées : avoir de l'argent, c'est très important pour s'affirmer vis-à-vis des copains, vis-à-vis des filles, pour pouvoir sortir avec les copains et avec les filles, donc pour être reconnu et se reconnaître comme un « homme ». C'est un des facteurs du malaise que suscite chez les enfants des classes populaires la scolarité prolongée). Cela dit, le fait d'être placé en situation d'« étudiant » induit des tas de choses qui sont constitutives de la situation scolaire : ils ont leur paquet de livres entouré d'une petite ficelle, ils sont assis sur leur mobylette à baratiner une fille, ils sont entre jeunes, garçons et filles, en dehors du travail, ils sont dispensés à la maison des tâches matérielles au nom du fait qu'ils font des études (facteur important, les classes populaires se plient à cet espèce de contrat tacite qui fait que les étudiants sont mis hors jeu).
Je pense que cette mise hors jeu symbolique a une certaine importance, d'autant plus qu'elle se double d'un des effets fondamentaux de l'école qui est la manipulation des aspirations. L'école, on l'oublie toujours, ce n'est pas simplement un endroit où l'on apprend des choses, des savoirs, des techniques, etc., c'est aussi une institution qui décerne des titres, c'est-à-dire des droits, et confère du même coup des aspirations. L'ancien système scolaire produisait moins de brouillage que le système actuel avec ses filières compliquées, qui font que les gens ont des aspirations mal ajustées à leurs chances réelles. Autrefois, il y avait des filières relativement claires : si on allait au-delà du certificat, on entrait dans un cours complémentaire, dans une EPS, dans un Collège ou dans un Lycée ; ces filières étaient clairement hiérarchisées et on ne s'embrouillait pas. Aujourd'hui, il y a une foule de filières mal distinguées et il faut être très averti pour échapper au jeu des voies de garage ou des nasses, et aussi au piège des orientations et des titres dévalués. Cela contribue à favoriser un certain décrochage des aspirations par rapport aux chances réelles. L'ancien état du système scolaire faisait intérioriser très fortement les limites ; il faisait accepter l'échec ou les limites comme justes ou inévitables... Par exemple, les instituteurs et les institutrices étaient des gens qu'on sélectionnait et formait, consciemment ou inconsciemment, de telle manière qu'ils soient coupés des paysans et des ouvriers, tout en restant complètement séparés des professeurs du secondaire. En mettant dans la situation du « lycéen », même au rabais, des enfants appartenant à des classes pour qui l'enseignement secondaire était autrefois absolument inaccessible, le système actuel encourage ces enfants et leur famille à attendre ce que le système scolaire assurait aux élèves des Lycées au temps où ils n'avaient pas accès à ces institutions. Entrer dans l'enseignement secondaire, c'est entrer dans les aspirations qui étaient inscrites dans le fait d'accéder à l'enseignement secondaire à un stade antérieur : aller au Lycée, cela veut dire chausser, comme des bottes, l'aspiration à devenir prof de Lycée, médecin, avocat, notaire, autant de positions qu'ouvrait le Lycée dans l'entre-deux guerres. Or, quand les enfants des classes populaires n'étaient pas dans le système, le système n'était pas le même. Du même coup, il y a dévalorisation par simple effet d'inflation et aussi du fait du changement de la « qualité sociale » des détenteurs de titres. Les effets d'inflation scolaire sont plus compliqués qu'on ne le dit communément : du fait qu'un titre vaut toujours ce que valent ses porteurs, un titre qui devient plus fréquent est par là même dévalué, mais il perd encore de sa valeur parce qu'il devient accessible à des gens « sans valeur sociale ».

- Quelles sont les conséquences de ce phénomène d'inflation ?
- Les phénomènes que je viens de décrire font que les aspirations inscrites objectivement dans le système tel qu'il était en l'état antérieur sont déçues. Le décalage entre les aspirations que le système scolaire favorise par l'ensemble des effets que j'ai évoqués et les chances qu'il garantit réellement est au principe de la déception et du refus collectifs qui s'opposent à l'adhésion collective (que j'évoquais avec le fils du mineur) de l'époque antérieure et à la soumission anticipée aux chances objectives qui était une des conditions tacites du bon fonctionnement de l'économie. C'est une espèce de rupture du cercle vicieux qui faisait que le fils du mineur voulait descendre à la mine, sans même se demander s'il pourrait ne pas le faire. Il va de soi que ce que j'ai décrit là ne vaut pas pour l'ensemble de la jeunesse : il y a encore des tas d'adolescents, en particulier des adolescents bourgeois, qui sont dans le cercle comme avant ; qui voient les choses comme avant, qui veulent faire les grandes écoles, le M.I.T. ou Harvard Business School, tous les concours que l'on peut imaginer, comme avant.

- Dans les classes populaires, ces gosses se retrouvent dans des décalages dans le monde du travail.
- On peut être assez bien dans le système scolaire pour être coupé du milieu du travail, sans y être assez bien pour réussir à trouver un travail par les titres scolaires. (C'était là un vieux thème de la littérature conservatrice de 1880, qui parlait des bacheliers chômeurs et qui craignait déjà les effets de la rupture du cercle des chances et des aspirations et des évidences associées). On peut être très malheureux dans le système scolaire, s'y sentir complètement étranger et participer malgré tout de cette espèce de sous-culture scolaire, de la bande d'élèves qu'on retrouve dans les bals, qui ont un style étudiant, qui sont suffisamment intégrés à cette vie pour être coupés de leur famille (qu'ils ne comprennent plus et qui ne les comprend plus : « Avec la chance qu'ils ont ! ») et, d'autre part, avoir une espèce de sentiment de désarroi, de désespoir devant le travail. En fait, à cet effet d'arrachement au cercle, s'ajoute aussi, malgré tout, la découverte confuse de ce que le système scolaire promet à certains ; la découverte confuse, même à travers l'échec, que le système scolaire contribue à reproduire des privilèges.
Je pense — j'avais écrit cela il y a dix ans — que pour que les classes populaires puissent découvrir que le système scolaire fonctionne comme un instrument de reproduction, il fallait qu'elles passent par le système scolaire. Parce qu'au fond elles pouvaient croire que l'école était libératrice, ou quoi qu'en disent les porte-parole, n'en rien penser, aussi longtemps qu'elles n'avaient jamais eu affaire à elle, sauf à l'école primaire. Actuellement dans les classes populaires, aussi bien chez les adultes que chez les adolescents, s'opère la découverte, qui n'a pas encore trouvé son langage, du fait que le système scolaire est un véhicule de privilèges.

- Mais comment expliquer alors que l'on constate depuis trois ou quatre ans une dépolitisation beaucoup plus grande, semble-t-il ?
- La révolte confuse — mise en question du travail, de l'école, etc. — est globale, elle met en cause le système scolaire dans son ensemble et s'oppose absolument à ce qu'était l'expérience de l'échec dans l'ancien état du système (et qui n'est pas pour autant disparue, bien sûr ; il n'y a qu'à écouter les interviews : « Je n'aimais pas le français, je ne me plaisais pas à l'école, etc. »). Ce qui s'opère à travers les formes plus ou moins anomiques, anarchiques, de révolte, ce n'est pas ce qu'on entend ordinairement par politisation, c'est-à-dire ce que les appareils politiques sont préparés à enregistrer et à renforcer. C'est une remise en question plus générale et plus vague, une sorte de malaise dans le travail, quelque chose qui n'est pas politique au sens établi, mais qui pourrait l'être ; quelque chose qui ressemble beaucoup à certaines formes de conscience politique à la fois très aveugles à elles-mêmes, parce qu'elles n'ont pas trouvé leur discours, et d'une force révolutionnaire extraordinaire, capable de dépasser les appareils, qu'on retrouve par exemple chez les sous-prolétaires ou les ouvriers de première génération d'origine paysanne. Pour expliquer leur propre échec, pour le supporter, ces gens doivent mettre en question tout le système, en bloc, le système scolaire, et aussi la famille, avec laquelle il a partie liée, et toutes les institutions, avec l'identification de l'école à la caserne, de la caserne à l'usine. Il y a une espèce de gauchisme spontané qui évoque par plus d'un trait le discours des sous-prolétaires.

- Et cela a-t-il une influence sur les conflits de générations ?
- Une chose très simple, et à laquelle on ne pense pas, c'est que les aspirations des générations successives, des parents et des enfants, sont constituées par rapport à des états différents de la structure de la distribution des biens et des chances d'accéder aux différents biens : ce qui pour les parents était un privilège extraordinaire (à l'époque où ils avaient vingt ans, il y avait, par exemple, un sur mille des gens de leur âge, et de leur milieu, qui avait une voiture) est devenu banal, statistiquement. Et beaucoup de conflits de générations sont des conflits entre des systèmes d'aspirations constitués à des âges différents. Ce qui pour la génération 1 était une conquête de toute la vie, est donné dès la naissance, immédiatement, à la génération 2. Le décalage est particulièrement fort dans le cas des classes en déclin qui n'ont même plus ce qu'elles avaient à vingt ans et cela à une époque où tous les privilèges de leurs vingt ans (par exemple, le ski ou les bains de mer) sont devenus communs. Ce n'est pas par hasard que le racisme anti-jeunes (très visible dans les statistiques, bien qu'on ne dispose pas, malheureusement, d'analyses par fraction de classes) est le fait des classes en déclin comme les petits artisans ou commerçants), ou des individus en déclin et des vieux en général. Tous les vieux ne sont pas anti-jeunes, évidemment, mais la vieillesse est aussi un déclin social, une perte de pouvoir social et, par ce biais-là, les vieux participent du rapport aux jeunes qui est caractéristique aussi des classes en déclin. Évidemment les vieux des classes en déclin, c'est-à-dire les vieux commerçants, les vieux artisans, etc., cumulent au plus haut degré tous les symptômes : ils sont anti-jeunes mais aussi anti-artistes, anti-intellectuels, anti-contestation, ils sont contre tout ce qui change, tout ce qui bouge, etc., justement parce qu'ils ont leur avenir derrière eux, parce qu'ils n'ont pas d'avenir, alors que les jeunes se définissent comme ayant de l'avenir, comme définissant l'avenir.

Mais est-ce que le système scolaire n'est pas à l'origine de conflits entre les générations dans la mesure où il peut rapprocher dans les mêmes positions sociales des gens qui ont été formés dans des états différents du système scolaire ?
- On peut partir d'un cas concret : actuellement dans beaucoup de positions moyennes de la fonction publique où l'on peut avancer par l'apprentissage sur le tas, on trouve côte à côte, dans le même bureau, des jeunes bacheliers, ou même licenciés, frais émoulus du système scolaire, et des gens de cinquante à soixante ans qui sont partis, trente ans plus tôt, avec le certificat d'études, à un âge du système scolaire où le certificat d'études était encore un titre relativement rare, et qui, par l'autodidaxie et par l'ancienneté, sont arrivés à des positions de cadres qui maintenant ne sont plus accessibles qu'à des bacheliers. Là, ce qui s'oppose, ce ne sont pas des vieux et des jeunes, ce sont pratiquement deux états du système scolaire, deux états de la rareté différentielle des titres et cette opposition objective se retraduit dans des luttes de classements : ne pouvant pas dire qu'ils sont chefs parce qu'ils sont anciens, les vieux invoqueront l'expérience associée à l'ancienneté, tandis que les jeunes invoqueront la compétence garantie par les titres. La même opposition peut se retrouver sur le terrain syndical (par exemple, au syndicat FO des PTT) sous la forme d'une lutte entre des jeunes gauchistes barbus et de vieux militants de tendance ancienne SFIO. On trouve aussi côte à côte, dans le même bureau, dans le même poste, des ingénieurs issus les uns des Arts et Métiers, les autres de Polytechnique ; l'identité apparente de statut cache que les uns ont, comme on dit, de l'avenir et qu'ils ne font que passer dans une position qui est pour les autres un point d'arrivée. Dans ce cas, les conflits risquent de revêtir d'autres formes, parce que les jeunes vieux (puisque finis) ont toutes les chances d'avoir intériorisé le respect du titre scolaire comme enregistrement d'une différence de nature. C'est ainsi que, dans beaucoup de cas, des conflits vécus comme conflits de générations s'accompliront en fait à travers des personnes ou des groupes d'âge constitués autour de rapports différents avec le système scolaire. C'est dans une relation commune à un état particulier du système scolaire, et dans les intérêts spécifiques, différents de ceux de la génération définie par la relation à un autre état, très différent, du système, qu'il faut (aujourd'hui) chercher un des principes unificateurs d'une génération : ce qui est commun à l'ensemble des jeunes, ou du moins à tous ceux qui ont bénéficié tant soit peu du système scolaire, qui en ont tiré une qualification minimale, c'est le fait que, globalement, cette génération est plus qualifiée à emploi égal que la génération précédente (par parenthèse, on peut noter que les femmes qui, par une sorte de discrimination, n'accèdent aux postes qu'au prix d'une sur-sélection, sont constamment dans cette situation, c'est-à-dire qu'elles sont presque toujours plus qualifiées que les hommes à poste équivalent...). Il est certain que, par-delà toutes les différences de classe, les jeunes ont des intérêts collectifs de génération, parce que, indépendamment de l'effet de discrimination « anti-jeunes », le simple fait qu'ils ont eu affaire à des états différents du système scolaire fait qu'ils obtiendront toujours moins de leurs titres que n'en aurait obtenu la génération précédente. Il y a une déqualification structurale de la génération. C'est sans doute important pour comprendre cette sorte de désenchantement qui, lui, est relativement commun à toute la génération. Même dans la bourgeoisie, une part des conflits actuels s'explique sans doute par là, par le fait que le délai de succession s'allonge, que, comme l'a bien montré Le Bras dans un article de Population, l'âge auquel on transmet le patrimoine ou les postes devient de plus en plus tardif et que les juniors de la classe dominante doivent ronger leur frein. Ceci n'est sans doute pas étranger à la contestation qui s'observe dans les professions libérales (architectes, avocats, médecins, etc.), dans l'enseignement, etc. De même que les vieux ont intérêt à renvoyer les jeunes dans la jeunesse, de même les jeunes ont intérêt à renvoyer les vieux dans la vieillesse.
Il y a des périodes où la recherche du « nouveau » par laquelle les « nouveaux venus » (qui sont aussi, le plus souvent, les plus jeunes biologiquement) poussent les « déjà arrivés » au passé, au dépassé, à la mort sociale (« il est fini »), s'intensifie et où, du même coup, les luttes entre les générations atteignent une plus grande intensité : ce sont les moments où les trajectoires des plus jeunes et des plus vieux se télescopent, où les « jeunes » aspirent « trop tôt » à la succession. Ces conflits sont évités aussi longtemps que les vieux parviennent à régler le tempo de l'ascension des plus jeunes, à régler les carrières et les cursus, à contrôler les vitesses de course dans les carrières, à freiner ceux qui ne savent pas se freiner, les ambitieux qui « brûlent les étapes », qui se « poussent » (en fait, la plupart du temps, ils n'ont pas besoin de freiner parce que les « jeunes » — qui peuvent avoir cinquante ans — ont intériorisé les limites, les âges modaux, c'est-à-dire l'âge auquel on peut « raisonnablement prétendre » à une position, et n'ont même pas l'idée de la revendiquer avant l'heure, avant que « leur heure ne soit venue »). Lorsque le « sens des limites » se perd, on voit apparaître des conflits à propos des limites d'âge, des limites entre les âges, qui ont pour enjeu la transmission du pouvoir et des privilèges entre les générations."

Memento (source : wikipedia)

"Les types de capitaux Pierre Bourdieu distingue quatre types de capitaux fondamentaux :
  • Le capital économique mesure l'ensemble des ressources économiques d'un individu, à la fois ses revenus et son patrimoine.
  • Le capital culturel mesure l'ensemble des ressources culturelles dont dispose un individu. Elles peuvent être de trois formes : incorporées (savoir et savoir-faire, compétences, forme d'élocution, etc.), objectivées (possession d'objets culturels) et institutionnalisée (titres et diplômes scolaires).
  • Le capital social mesure l'ensemble des ressources qui sont liées à la « possession d'un réseau durable de relations d'interconnaissance et d'inter-reconnaissance » .
  • Le capital symbolique désigne toute forme de capital (culturel, social, ou économique) ayant une reconnaissance particulière au sein de la société.
Bourdieu désigne par le terme de capital toutes ces ressources sociales dans la mesure où elles résultent d'une accumulation qui permet aux individus d'obtenir des avantages sociaux. Le capital économique et le capital culturel constituent, pour Bourdieu, les deux formes de capitaux les plus importantes dans nos sociétés. Toutefois, il existe pour lui un type de capital spécifique à chaque champs social, qui en détermine la structure et y constitue l'enjeu des luttes."

Génération Facebook?






Un article de Libération, le 13/07/2007

 Le miroir à deux Facebook

Internet. Ce réseau social, déjà riche de 24 millions d'utilisateurs désireux de tout dévoiler, va-t-il trop loin ?
ROUSSEL Frédérique

Il y a quelques jours, un courriel tombe dans la boîte aux lettres de l'auteur de ces lignes. Qui dit, en anglais : «Olivier vous a ajouté comme ami dans Facebook. Nous avons besoin que vous confirmiez que vous êtes réellement ami d'Olivier.» Suivait le lien ad hoc. Qui diable était donc cet Olivier ? Vague nostalgie remontée d'une cour d'école sous les peupliers. Et Facebook, quèsaco ? En un clic, je rejoignais l'immense communauté de «facebookers». Plus de 24 millions d'âmes sur la planète, 100 000 nouvelles recrues toutes les semaines. De quoi ne plus se sentir seul.
Espace. Site de réseau social, Facebook (trombinoscope en anglais) parie sur l'envie des gens d'échanger et de partager. En s'inscrivant, l'internaute décrit son profil, peut mettre en ligne sa photo, dire ses préférences sexuelles ou aussi décider de garder son profil secret pour le commun des «facebookers» et affiché pour ses proches. A chaque modification effectuée sur l'espace personnel, tout le monde est au courant que vous êtes en vacances, en voyage, etc. Cette réactualisation partagée peut donner lieu à des quiproquos. Thomas Crampton avait annoncé sur son Facebook son mariage. Avant de se raviser : trop intime. Il décoche la case marquée «Thomas Crampton est fiancé à Thuy-Tien Tran», ce qui envoit à ses amis le message suivant : «Thomas Crampton et Thuy-Tien Tran ne sont plus fiancés.» Drame.
Facebook permet aussi de mettre en ligne ses photos, d'écrire des notes, de laisser des messages aux amis, de décrire son humeur face au monde, voire de retrouver des gens. Comme Shandara le raconte sur son blog : «J'ai trouvé un cousin dont je connaissais l'existence mais ne l'avais jamais rencontré. Une tante aussi. Puis de fil en aiguille, j'ai trouvé un groupe sur ma ville de naissance(1).» Car on peut aussi former des groupes, sur des thématiques variées.
Le succès de Facebook, né dans le giron de Harvard en 2004, puis étendu aux autres universités et lycées, est spectaculaire. Fin 2005, il rassemblait plus de 17 millions de comptes, essentiellement anglophones. L'histoire a un air de déjà-vu : un étudiant, Mark Zuckerberg, bidouille un site dans sa chambre d'étudiant. L'invention emballe le réseau, L'étudiant devient dirigeant d'une start-up, à Palo Alto en Californie.
Goûts. Depuis septembre, Facebook, où on ne pouvait qu'entrer sur invitation, est ouvert à tous. En peu de temps, le site est devenu la sixième plus grosse audience après Google et le premier en partage de photos aux Etats-Unis. Tandis que les invitations affluent dans les boîtes électroniques de la planète, Facebook accroît ses potentialités. Ainsi, iLike, le site de recommandations de disques, permet aux facebookers de partager leurs goûts musicaux.
«Prédiction : Facebook sera le plus grand réseau social dans le monde», titre Paul Allen, cofondateur de Microsoft, sur son blog, en mai dernier (2). Car il ne faut pas s'y tromper, derrière l'amitié et les bons sentiments se cachent les gros sous. Pour Allen, ce pourrait «être la meilleure opportunité pour les entrepreneurs du Net des dix dernières années.» Quoi de plus rentable en effet qu'une communauté formée de dizaine de millions de membres, dont la moitié se connecte à son Facebook chaque jour ? Sa «viralité» est démoniaque. Il se dit que Facebook a détrôné Myspace autre site de réseau social. Sur un an, entre mai 2006 et mai 2007, Facebook a connu une augmentation de 89 % de visiteurs uniques, selon Comscore. Des écueils commencent à se faire jour et des juristes d'Internet s'alarment des problèmes de protection de la vie privée. Notamment à propos d'images postées qui n'étaient pas destinées à être vues par tout le monde. Seule parade : ne pas accepter la si délicate invitation d'Olivier.
(1) peeckwick. free. fr (2) www.paulallen.net

Classement des 25 sites "d'internet social" les plus visités



Un article de la CNIL 
(Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés)

Facebook et vie privée, face à face

16 janvier 2008

Facebook, et plus largement les réseaux sociaux sur internet, sont source de nouveaux enjeux en terme de protection de la vie privée. Ils offrent des services innovants, et généralement gratuits, souvent en contrepartie d’une utilisation commerciale de vos données personnelles. Une fois en ligne, les informations vous concernant sont plus ou moins largement diffusées, indexées et analysées. La vigilance s’impose
La CNIL se doit de rencontrer et conseiller les professionnels et plus particulièrement ceux qui développent des technologies innovantes impliquant le traitement de données personnelles. A ce titre, des représentants de la CNIL ont rencontré à l'automne dernier des représentants de Facebook afin d'évaluer les risques qu'un tel service peut comporter au regard de la protection des données.
Récemment, la CNIL a adressé un courrier à Facebook afin d'obtenir des compléments d'informations sur les fichiers mis en œuvre. Il est ainsi demandé des précisions sur les durées de conservations des :
  • données personnelles des membres de Facebook ;
  • adresses IP traitées ;
  • adresses de courrier électronique des personnes invitées par un membre.
De même, la Commission a souhaité avoir des informations sur la manière dont Facebook analyse les profils de ses membres afin de leur délivrer des publicités ciblées. Enfin, elle a souligné que les personnes concernées doivent être informées de la finalité des fichiers, des destinataires des données et de l'existence d'un droit d'accès et de rectification.
En effet, comme l'utilisateur ne maîtrise pas assez ces nouveaux outils, il apprend trop souvent à s'en servir à ses dépens. Par exemple, même quand l'outil est paramétrable, la configuration par défaut favorise souvent une diffusion très large des données,  si bien que des informations devant rester dans la sphère privée se retrouvent souvent exposées à tous sur Internet.
L'utilisateur n'est donc pas toujours conscient qu'en dévoilant des données sur sa vie privée, ses habitudes de vie, ses loisirs, voire ses opinions politiques ou religieuses, il permet aux sites de se constituer de formidables gisements de données susceptibles ainsi de provoquer de multiples sollicitations commerciales.
C'est pourquoi, la CNIL rappelle aux internautes qu'une grande vigilance s'impose concernant la nature des données mises en ligne et le choix des personnes qui pourront y accéder. En effet, la réputation de l'internaute peut être mise en cause, dans sa sphère privée ou professionnelle.


Un article d'un site spécialisé dans les emplois de l'informatique (lesjeudis.com)
26/10/2009

Cinq métiers pour les accros de Facebook


"Nous sommes lundi matin. Vous vous connectez sur votre page Facebook pour mettre votre statut à jour tout en commençant à jeter un œil sur les photos sur le profil de vos amis. Vous regardez les photos d’un week-end où l’un de vos amis a été taggué dans l’album d’une personne que vous ne connaissez pas. Vous cliquez à droite et à gauche, pour finalement vous surprendre à admirer les photos de mariage d’individus qui vous sont totalement étrangers !
Ces situations vous rappelleront sans doute quelque chose si vous avez l’habitude d’utiliser les réseaux sociaux comme Facebook…

Alors que la plupart des demandeurs d'emploi suivent les avis de spécialistes qui conseillent d’utiliser les média sociaux pendant sa recherche d’emploi comme outils de réseautage. Parallèlement, ces derniers avertissent également les utilisateurs sur le danger de ces outils souvent très addictifs et chronophages. - en particulier au travail –

Mais les temps changent. Facebook, Viadeo, LinkedIn, Twitter, Weavlink sont aujourd’hui des plates-formes d’échanges sur lesquelles les gens communiquent et interagissent les uns avec les autres. Un lieu ou entreprises et marques se doivent absolument d’être présentes. Résultats, bon nombre d'offres d’emploi dans le marketing en ligne par exemple exigent désormais un certain niveau d'expertise relatif à l’utilisation de ces médias sociaux.

Les médias sociaux en hausse

De plus en plus de sociétés se mettent à utiliser les réseaux sociaux comme Twitter, ou créer des blogs ou des pages sur Facebook, Twitter ou LinkedIn pour gagner en visibilité et proposer de nouveaux services à ses clients. Beaucoup d’entreprises voient dans l’utilisation des réseaux sociaux une opportunité de mieux communiquer avec ses collaborateurs et les candidats sur des sujets comme l'emploi, le marché et leurs actualités. De plus, pour une entreprise, avoir une page Facebook permet de trouver des candidats et accroître la visibilité de leur marque.

« Aujourd’hui, il ne s’agît plus de se demander s’il faut ou non être présent sur les réseaux sociaux, mais plutôt comment y parvenir… Les entreprises sont bien souvent impuissantes face à ces nouveaux médias chronophages. Ainsi de nouveaux métiers sont apparus, comme celui de community managers qui va prendre en charge l’animation des réseaux de l’entreprise afin d’assurer la visibilité de la marque tout en veillant à sa bonne réputation sur Internet. », explique Jean Mariotte, Cofondateur de Weavlink.

Pourtant, si les entreprises ont clairement compris l’importance d’une stratégie efficace sur les réseaux sociaux, ce n’est pas le cas pour toutes. En effet, la plupart des sociétés sont conscientes de la nécessité d’être présentes sur les média sociaux, mais la volonté ne suffit pas et faut il encore savoir comment tirer profit de cette présence. Voilà pourquoi les sociétés ont aujourd’hui de plus en plus besoin de personnes - comme vous - possédant des compétences autour du réseautage social.

Quels métiers pour les accros de Facebook ?

Si les réseaux sociaux n’ont plus de secrets pour vous, voici 5 métiers à prendre en considération lors de votre prochaine recherche d’emploi :


Consultant réseaux sociaux


De nombreuses sociétés sont à la recherche de stratégistes capables de les conseiller sur les meilleures manières de communiquer et d’utiliser les différents média sociaux. Le stratégiste est une véritable interface entre l’entreprise et les réseaux sociaux. Il aura en charge notamment la création et la mise en place d’une véritable stratégie de réseautage social en interagissant avec les autres utilisateurs afin d’accroitre la notoriété de la marque, de créer du buzz, d’augmenter le trafic sur les pages… Pour prétendre à ce poste, il est nécessaire d’avoir des expériences réussies dans le secteur, car les entreprises restent réticentes à confier l’image de leur marque à un débutant.


Assistant marketing réseaux sociaux


Voilà un métier particulièrement complet touchant au domaine des média sociaux et requérant entre autre une solide expérience marketing opérationnel et du web. L’assistant réseaux sociaux intervient à la frontière des métiers de community manager et de consultat. Il a pour rôle principal l’élaboration d’une stratégie marketing d’utilisation des réseaux sociaux tout en veillant au suivi de l’activité via des outils d’analyse et de reporting des communautés des différents réseaux sociaux et plate-formes.


Community manager (animateur de réseaux sociaux)

Pour toute entreprise ayant une présence sur internet, le contact et le suivi de l’utilisateur est une part très importante de sa stratégie online.
Que la société dispose d’un blog, d’un site web ou de pages sur Facebook, Twitter et LinkedIn, les Community manager interagissent directement avec les utilisateurs, répondant aux questions, analysant les problèmes et surtout, en gardant la trace des habitudes des utilisateurs.


Social media manager (Responsable réseaux sociaux)

A l’instar du consultant, les sociétés ont besoin d’une personne capable de coordonner les blogs, le marketing viral, les vidéos d’une marque… Cette personne doit avoir une expérience du management et de la gestion de projet autour des média sociaux. Le Social media manager doit sans cesse être à l’affût des nouvelles technologies et être connecté partout : blogs, RSS, Twitter, Facebook, MySpace, YouTube…

Chasseur de tête

Alors que les candidats utilisent déjà les réseaux sociaux depuis quelques années, les recruteurs, eux, les ont rejoints plus récemment. Les entreprises peuvent désormais retrouver leurs futurs candidats plus rapidement, et avoir un aperçu de leur personnalité avant chaque recrutement. Habitués à l’environnement des média sociaux, les candidats gardent en général une certaine authenticité dans les informations publiées sur leurs pages. En effet, ces derniers ne se sentent pas menacés comme ils le seraient lors d’un entretien et sont donc beaucoup plus sincères avec les recruteurs.


Trouver des offres d’emploi dans les media sociaux
Vous pensez peut-être qu’il est difficile de trouver des offres d’emploi concernant les réseaux sociaux? Pourtant, sur les sites d’offres d’emploi, de nombreuses annonces sont proposées sans toutefois contenir l’expression exacte “media social”.
Essayez par exemple avec les expressions suivantes: “marketing interactif”, “nouveau media”, “media manager” et vous serez sans nul doute redirigé dans la bonne direction."

 Quelques chiffres...
Les usagers de Facebook en France.
Ces chiffres proviennent du site "Sociabliz Demographer" et sont obtenus grâce à un outil de ciblage publicitaire.

 
 
 

Je vous renvoie également au dossier complet "Comprendre Facebook et l'Internet social" proposé par "nonfiction.fr"









Qu'est-ce qu'une Génération? par Frédéric Gaussen



Une présentation très claire de la question et de ses enjeux dans cet article publié dans Le Monde en 1981.


Frédéric gaussen, «Qu'est-ce qu'une génération?». Le Monde (15 novembre 1981)
Frédéric Gaussen a été journaliste au Monde de 1964 à 1994.
Qu'est-ce qu'une génération ? Qu'est-ce qui fait que toutes les personnes d'un même âge se sentent quelque chose en commun, quelle que soit leur origine sociale ou régionale ? Il y a plusieurs façons d'entendre le mot « génération ». Il peut désigner les gens ayant eu une expérience historique commune particulièrement frappante. Ainsi parle-t-on de la guerre de 1914 ou de la Résistance ou de Mai 1968. On peut aussi identifier la génération à une classe d'âge : tous les gens ayant eu vingt ans dans les années 1950 ou 1970. On peut enfin penser à l'expérience familiale : la génération des enfants, par opposition à celle des parents et des grands-parents. Trois approches qui entraînent en fait des définitions et des contenus bien différents.
Pour qu'un événement crée une génération il faut qu'il ait un caractère global (qu'il touche pratiquement tous les individus d'un même âge), qu'il soit assez prolongé pour avoir le temps de marquer et suffisamment éprouvant pour que chacun ait de bonnes raisons de s'en souvenir. C'est pourquoi une guerre fait particulièrement bien l'affaire. Mais ces conditions ne sont pas suffisantes. Il faut aussi que « cet événement fondateur » fasse l'objet ensuite d'une célébration collective, que le souvenir en soit entretenu et magnifié1. C'est l'interprétation posthume de l'événement qui fait une génération, plus que l'événement lui-même. Aussi peut-on parler de génération pour les acteurs de la guerre de 1914, mais non pour la guerre de 1939-1945 (sauf pour la tranche très minoritaire de ceux qui ont participé à la Résistance) ou la guerre d'Algérie. Dans les deux derniers cas, la mauvaise conscience nationale provoquée par ces événements a entraîné un effet d'oubli, de gommage volontaire. Loin de se regrouper pour exalter les souvenirs communs, les survivants s'évitent et se taisent.
Ceci montre que l'histoire n'est jamais une succession neutre d'événements, mais une reconstruction opérée par une collectivité humaine, en fonction d'objectifs particuliers. La constitution d'un « effet de génération » répond à un programme précis : effacer les différents sociales ou les rivalités politiques ; forger l'unité d'un groupe autour d'un grand mythe original ; détourner les ressentiments que pourraient susciter les souffrances endurées en exaltant l'héroïsme des survivants ; affermir le pouvoir d'un clan et écarter les assauts de prétendants illégitimes (parce que n'ayant pas reçu l'acte de baptême de l'événement fondateur).
De même, si l'on peut - à la rigueur - parler d'une « génération de Mai 1968 », ce n'est évidemment pas en raison de l'effet politique immédiat de l'événement ou de l'importance numérique des gens qui y ont participé directement, mais parce qu'il fut pris pendant les dix années qui ont suivi comme référence symbolique par les médias et par une partie importante de l'opinion pour désigner un profond mouvement de transformation sociale.
Cet exemple montre que l'effet de génération peut jouer - sur une échelle réduite -pour désigner des groupes souvent très minoritaires, mais ayant une influence intellectuelle ou politique décisive.
La génération à caractère sociologique est, à l'inverse, beaucoup plus vaste et englobe, à la limite, tous les individus nés à la même époque et ayant eu les mêmes expériences scolaires et enfantines. Plus tard, ils s'apercevront en effet qu'il y a entre eux une relation invisible faite du même air respiré, d'émotions partagées à l'écoute des mêmes airs, au souvenir des mêmes danses et des mêmes coiffures. « De notre temps... », c'est-à-dire lorsque nous étions jeunes ensemble, lorsqu'on vibrait aux mêmes choses, qu'on pleurait devant les mêmes visages. Ce sont des souvenirs ténus, impalpables, mais plus importants que toutes les professions de foi. Ceux auxquels on tient plus que tout, parce qu'ils nous ont fait ce que nous sommes.
L'homogénéisation des sociétés modernes — avec la prolongation de la scolarité, la génération des médias, le rapprochement des sexes... — ne peut évidemment que renforcer cet effet de génération-là. Le phénomène du « yé-yé2 » a marqué peut-être la naissance de ces générations à l'échelle planétaire. Transportés par les médias à travers les frontières, les mots de passe et les signes de connivence réunissent les jeunes du monde entier dans les émotions communes. Mêmes airs, mêmes danses, mêmes vêtements, mêmes révoltes, mêmes rêves...
© Le Monde
1.Glorifier.
2.Yé-yé: phénomène de mode des années 1960 inspiré par la musique américaine (rock, twist).

Solidarité Haïti



En ce mercredi 13 janvier, un message de soutien et des pensées solidaires pour les victimes d'Haïti.
La Fondation de France centralise les dons pour en assurer ensuite la répartition entre les différentes associations qui agissent sur le terrain. Le don est possible en ligne, ici.

La Merditude des choses, un film de Felix Van Groeningen






Courrez voir ce film magnifique qui interroge, avec un humour aussi tendre que violent et iconoclaste, la question de la filiation, de ce que nous lèguent les générations ; comment "être un Strobbe" tout en étant enfin "différent"? La famille de Gunther est autant ce qui le détruit que ce qui l'aide à se construire et peu-être aussi à survivre, de même que les punitions de ses maîtres font peu à peu de lui un écrivain. C'est drôle, très drôle, atrocement drôle mais aussi parfois épouvantable (âmes sensibles s'abstenir!), dur et émouvant. Et la problématique est au coeur de notre sujet.


La critique de Télérama :

CRITIQUE bien La merditude, c'est quand on a une vie de merde... et qu'on trouve ça normal. Question d'habitude. Ou même d'hérédité. C'est le cas de Gunther, 13 ans, qui vit dans les années 80 à Trouduc-les-Oies chez sa grand-mère, avec son père et ses trois oncles, quatre ogres braillards, chômeurs et biturés à la bière du réveil au coucher. Faire ses lignes de punition (quelque chose dans le genre « Tu ne frapperas pas tes camarades sous prétexte qu'ils se sont moqués de ta famille») à côté d'un papa torché ou voir ses tontons foutre à la porte l'huissier, ça le fait marrer, Gunther. Sa mère, qui a fui depuis longtemps ? « Une pute, madame », répond-il tranquillement à l'assistante sociale. Il est un Strobbe, il en est fier, et, comme le dit l'oncle Petrol, carabine à la main : « On ne touche pas à un Strobbe. » Sauf quand l'ado se fait tabasser par papa, que l'alcool et la déprime finissent par rendre dingue...
Bienvenue en enfer ? Oui et non, car ce petit film flamand, en passe de devenir un phénomène (triomphe monstre en Belgique, début de carrière en Amérique), est réjouissant au possible. Une alchimie parfaite entre lose totale, avec décors grisâtres assortis, et énergie dévorante, comme en témoigne la course de vélo à poil de l'affiche. Les Strobbe sont machos, glandeurs, pathétiques, violents à l'occasion, mais Felix Van Groeningen les filme avec l'empathie, la tendresse que Cassavetes avait pour ses paumés. Ils en deviennent terriblement attachants, ces gros boeufs chevelus fans de Roy Orbison (!). Bourrés, ils peuvent même être hilarants. Construit en allers et retours entre l'enfance de Gunther et sa vie d'adulte cynique (tu m'étonnes !), ce portrait de famille en chaos constant ose tous les excès, toutes les grossièretés sans jamais sombrer dans la vulgarité. Dans sa manière d'éructer, si émouvante, ce film pourrait être une chanson de Jacques Brel. Revigorant dans sa désespérance même.
Guillemette Odicino
Télérama, Samedi 02 janvier 2010

La critique du Monde :   "La Merditude des choses" : roman d'initiation au milieu des chopes de bière

Il faut plus se fier au titre de ce film qu'à son affiche. La séquence qui met en scène une course cycliste dont les concurrents montent leurs machines dans le plus simple appareil n'occupe qu'un moment du film. Ce troisième long-métrage du jeune metteur en scène flamand Felix Van Groeningen est en revanche tout entier consacré à la transmutation d'un monde excrémentiel en oeuvre d'art. L'expérience est menée avec un mélange d'outrance joyeuse et de noire mélancolie qui trouve tout naturellement son cadre sous un grand ciel bas et gris, dans un petit village des Flandres.
La Merditude des choses est adaptée d'un roman à succès de Dimitri Verhulst, nourri de l'expérience de l'auteur. Celui-ci se présente sous les traits de Gunther Strobbe, garçon blond que l'on voit tour à tour à l'entrée de l'adolescence (Kenneth Vanbaeden), et au seuil de l'âge mûr (Valentijn Dhaenens).
A 30 ans, Gunther vit de petits boulots en attendant de voir publier son premier roman et que voie le jour son premier-né, qu'il n'a pas désiré. En le voyant vivre quinze ans plus tôt, on comprend son peu d'enthousiasme pour la paternité. Il a grandi dans une drôle de maison. La seule femme y était sa grand-mère, propriétaire du logis qui abritait aussi ses quatre fils adultes, au regard de l'état civil sinon du sens commun, à commencer par le père de Gunther, Cel (Koen De Graeve), le facteur du village, qui a hérité de son propre père un alcoolisme à toute épreuve. C'est aussi le seul de la fratrie à occuper un emploi à temps plein, les autres naviguant entre petits boulots, délinquance et oisiveté à outrance.
Une vingtaine de millions de spectateurs français ont récemment éprouvé tout ce qu'une tournée postale sous l'emprise de l'alcool pouvait avoir de comique. Felix Van Groeningen n'est pas bégueule et sait bien que les gens bourrés peuvent faire de drôles de choses, voire des choses très drôles. Il les met en scène avec générosité, laissant les situations aller jusqu'à leur paroxysme.
Ceux-ci peuvent être ridicules ou touchants - les quatre lascars s'invitent chez un voisin iranien pour regarder à la télévision (la leur a été saisie) un concert de Roy Orbison et se noient dans la bière et la voix suave du créateur de Pretty Woman. Ils peuvent être aussi sordides et cruels - l'oncle Petrol (Wouter Hendrickx) séduit sans hésitation l'adolescente dont Gunther est amoureux.
Filmé de très près, ce quatuor (qui, physiquement, évoque les pires heures du heavy metal) suscite une sympathie qu'on a, depuis son fauteuil, du mal à comprendre, tant le comportement des quatre fils Strobbe est parfois abject. Cette compréhension tient pour une bonne part au travail des comédiens, qui découpent leurs personnages à la hache dans les séquences frénétiques et leur apportent un peu de nuances lorsque le rythme se ralentit.
Les souffrances du jeune Gunther procèdent du déchirement entre la dévotion qu'il témoigne à son père comme à ses oncles et sa parfaite lucidité. Il voit bien que Cel se détruit lentement (enfin, pas si lentement que ça). Il partage avec lui la haine pour la femme qui les a abandonnés tous deux, mais sait bien que celle-ci n'est pas partie sans raison. Il aime à faire ses devoirs (et les nombreuses punitions qui lui sont infligées) entre les chopes de bière, mais sait aussi qu'il ferait mieux d'entrer dans un internat - pas tant pour réussir ses études que pour échapper à la tragédie imminente.
La pauvreté matérielle expose Gunther à toutes les humiliations, mais le mépris des frères Strobbe pour les règles de la vie en société lui fait entrevoir des moments de grandeur burlesque, d'autant plus drôles qu'ils menacent à tout moment de basculer. Dans ce carnaval perpétuel, la petite maman des grands Strobbe (Gilda de Bal) doit toute seule donner la mesure de la raison, ce qu'elle fait avec autant de constance que d'insuccès.
La structure en allers-retours du film est faite pour montrer comment un garçon façonné par ces circonstances misérables mais parfois épiques peut passer à l'âge d'homme. Ce versant du film, qui montre les tribulations d'un écrivain contraint de livrer des pizzas, est bien en retrait du reste de La Merditude. Nécessaire à la structure du récit, il le ralentit, le banalise. Cette faiblesse épisodique est rachetée par l'ultime séquence du film qui réussit enfin à renouer ces deux fils et à livrer le secret qui se cache au coeur de la merditude des choses.
Thomas Sotinel