Le passage à l'âge adulte : les rites initiatiques, un documentaire à voir.





Consultez la page consacrée à cette notion sur Wikipédia et visionnez:

Rites de passage de J.P. Mirouze, 2004

"Les sociétés traditionnelles organisent des rites de passage célébrant la métamorphose de l'enfant en adulte. Un parallèle est établi entre les rites initiatiques des populations traditionnelles et les phénomènes de métamorphose (piercings, tatouages, bodyhackers) qui touchent les jeunes générations occidentales. Les propos et analyses de l'anthropologue Maurice Godelier, de l'ethnologue et psychologue Lorenzo Brutti et du sociologue David Le Breton s'entrecroisent tout au long du film.
Maurice Godelier donne une définition précise du rite de passage, démontrant quelle est l'ambition de cette initiation. Il explique son rôle fondamental chez les Baruya, ethnie de Papouasie Nouvelle-Guinée, qu'il a étudié durant de nombreuses années. Plusieurs extraits du film "Planète baruya" illustrent ses propos. Il parle de l'origine de ces rites et raconte le mythe de la place des femmes par rapport aux hommes, de leur séparation et de la domination masculine ; il explique le rôle de la sexualité et de la douleur pendant l'initiation.
Lorenzo Brutti parle de l'adolescence dans nos sociétés, moment où se déroulent les phases du passage vers l'âge adulte (de la séparation du groupe à la réintégration dans la société). Ce sont des comportements violents, à risques, marquant un défi avec le danger et la mort (comme le phénomène Jackass) qui s'apparentent à des rites de passage chez ces jeunes.
David Le Breton étudie les comportements des jeunes, qui utilisent leur corps comme lieu de transformation de leur personnalité en pratiquant des tatouages, piercings ou implants sous-cutanés. On retrouve alors le rôle de la souffrance, mais ce changement effectué sur le corps est délibéré et revendiqué. Ce comportement reste, au contraire des rites des sociétés traditionnelles, une marque d'individualisme."



Rites de passage 2/2


Vous pouvez aussi visionner ce documentaire sur le site du CNRS.

Qui sont vraiment les jeunes ? Par les chercheurs du CNRS



Une mine d'articles et de recherches sur le site du CNRS, qui s'interroge :  
Qui sont vraiment les jeunes ?

Les thèmes abordés sont :
- "La longue route vers l'âge adulte " : cette page s'intéresse à la question de l'adolescence en 2009 ; on y trouve également un article sur le rapport à la musique, et un autre sur le logement, en particulier le départ du domicile parental, question traitée avec humour dans le film Tanguy.
Un extrait de cette page :
"La puberté est de tout temps et de tous lieux, mais elle est avant tout «une construction sociale». C'est de l'extrême fin du XIXe siècle, avec le développement de l'enseignement secondaire, « que l'on peut dater la naissance d'un âge adolescent, dit Michel Fize. En “enfermant” ses fils au collège pour mieux les contrôler et les tenir à distance de son propre pouvoir politique et économique, la bourgeoisie a inventé un vrai “nouvel âge” de la vie. Auparavant, les enfants étaient absorbés trop tôt dans le monde du travail pour connaître cet “entre-deux-âges” et devenaient adultes sans transition. Et il a fallu attendre les années 1960 et la massification scolaire pour que l'adolescence devienne une adolescence pour tous : garçons et filles »."

- "Ces jeunes qui flirtent avec les limites" : des pratiques à risque à la délinquance, cette page interroge le lien souvent établi entre la jeunesse et la violence.

Une question importante : Le déclassement des générations

Longtemps, le passage d'une génération à une autre s'est accompagné d'une progression sociale, ce qu'on appelle "l'ascenseur social" ; mais l'ascenseur semble désormais en panne :  non seulement la plupart des jeunes n'accèdent pas  à une situation professionnelle et sociale supérieure à celle de leurs parents, mais un nombre important d'entre eux connaît une "régression" sociale, ne parvenant pas à une situation équivalente à celle de la génération précédente.
C'est une question importante, un sujet d'actualité, et un changement sociologique majeur : ce thème pourrait tout à fait constituer un sujet de synthèse le jour de l'examen!
Je vous invite à lire deux articles sur ce sujet : le premier proposé par l'Observatoire des inégalités, le second par la revue Sciences Humaines.

Si vous avez des questions sur ces articles, n'hésitez pas à les poser en commentaire!


Quand l’ascenseur social descend : les conséquences individuelles et collectives du déclassement social
le 1er juillet 2009
Le déclassement marque nos sociétés qui n’arrivent pas à venir à bout du chômage. Un thème majeur et pourtant oublié de la sociologie. L’analyse de Camille Peugny, maître de conférences en sociologie (Paris VIII) et auteur de Le Déclassement (Grasset).


Tandis que la « panne de l’ascenseur social » occupe régulièrement la « Une » des journaux et que la question du « descenseur » social semble s’imposer comme un enjeu majeur du débat électoral de 2007, la sociologie demeure curieusement assez discrète sur le sujet. Si aux Etats-Unis, sociologues et anthropologues se sont depuis longtemps penchés sur le vécu et les conséquences de la mobilité intergénérationnelle descendante, peu de travaux systématiques ont été menés en France. (…)
Pourtant, en vingt ans, la dynamique de la société française a profondément changé. Dans les années 1970, la France connaît l’aboutissement d’un vaste mouvement de mobilité sociale ascendante. Nés au cours des années 1940 dans des milieux ouvriers ou paysans, les baby-boomers profitent des Trente glorieuses et de la diffusion du salariat moyen et supérieur [1] pour s’élever sensiblement au dessus de la condition de leurs parents. C’est cette génération qui se maintient depuis au sommet de la structure sociale. Au début des années 1980, les 35-39 ans sont ceux qui en moyenne occupent la position la plus favorisée. Vingt ans plus tard, les 35-39 ans figurent tout en bas d’une structure sociale… dominée par les 55-59 ans.
Les générations nées au tournant des années 1960 doivent en effet faire face à l’irruption puis à la persistance de la crise économique, au chômage de masse qui devient une donnée structurelle de l’économie et à une évolution moins favorable de la structure sociale.
Si l’on adopte une perspective historique, la part des individus immobiles (qui demeurent dans le même groupe social que leurs parents) reste remarquablement stable, autour de 38%. Par contre, parmi les individus mobiles, les trajectoires ascendantes deviennent moins nombreuses, alors que les trajectoires descendantes connaissent une augmentation sensible. Pour la génération 1944-1948, le solde de mobilité (construit comme la différence entre la part des trajectoires ascendantes et celle des trajectoires descendantes) approchait les 20 points : il tombe à moins de 7 points pour la génération 1964-1968, et rien n’indique que les courbes connaîtront dans un avenir proche une inflexion significative.
Cette dégradation des perspectives de mobilité sociale est généralisée. Pour les individus issus de milieux populaires, s’élever au-dessus de la condition de ses parents devient de plus en plus difficile et au milieu des années 2000, les enfants d’ouvriers ne sont pas plus nombreux à quitter la classe ouvrière que dans la France des années 1970. Pour les enfants issus de milieux favorisés, les risques de mobilité sociale descendante sont sévèrement accrus : plus d’un enfant de cadre sur quatre nés au tournant des années 1960 occupe, la quarantaine passée, un emploi d’ouvrier ou d’employé.
Au total, concernant la question de l’égalité des chances, il semble qu’il faille conclure à un lent nivellement vers le bas. L’écart entre les enfants de cadre et ceux d’ouvrier en termes d’accès au salariat d’encadrement diminue lentement entre les générations 1944-1948 et 1964-1968, mais les chances de devenir cadre diminuent pour les enfants de toutes les catégories sociales. Pour les enfants des classes populaires, l’ascenseur social est en panne. Pour ceux issus de milieux favorisés, il descend de plus en plus fréquemment.
La génération née une quinzaine d’années après le baby-boom fait figure de génération particulièrement défavorisée. A l’heure du départ à la retraite des baby-boomers, elle est déjà trop ancienne sur le marché du travail et ce sont alors leurs cadets, nés au début des années 1970, qui en bénéficient, les employeurs préférant embaucher de jeunes actifs fraîchement diplômés plutôt que de promouvoir des quadragénaires.
Deux types de vécu
Il n’existe pas d’expérience univoque de la mobilité descendante. Cette dernière voit sa fréquence augmenter, mais elle ne concerne pas avec la même intensité toutes les catégories sociales. Par définition, elle frappe les enfants issus de milieux favorisés puisque pour descendre, il faut venir d’en haut. Mais tous les enfants de cadre ne sont pas logés à la même enseigne. C’est par la transmission du capital culturel (mesuré par le niveau de diplôme dans ce travail) que s’effectue la reproduction de la position de cadre des ascendants. Même parmi les enfants de cadre, l’inégalité des chances scolaires persiste et le niveau de diplôme atteint par les individus est étroitement corrélé au niveau de diplôme du père. Au-delà, il fait identifier un effet « maternel » (les enfants de père cadre dont la mère est cadre également ont une probabilité plus élevé de reproduire la position du père) ainsi qu’un effet « généalogique » (les enfants de cadre dont le grand-père paternel n’était pas ouvrier ont une probabilité plus faible de connaître le déclassement social).
Il faut alors distinguer entre deux types de cadres parmi la génération des pères. Le premier (…) est composé d’individus issus de lignées où la position de cadre est déjà solidement ancrée, très diplômés et souvent mariées avec des femmes également plus diplômées que la moyenne. Ces cadres occupent des emplois qui nécessitent un diplôme initial élevé et exercent souvent des professions libérales ou de l’enseignement. Pour leurs enfants, les risques de mobilité descendante est relativement moins élevé (autour de 20% d’entre eux deviennent employé ou ouvrier). A l’inverse, le second type de cadres est composé des cadres « populaires », issus de milieux modestes qui en dépit d’un diplôme initial peu élevé ont atteint une position de cadre grâce à une mobilité ascendante en cours de carrière. Ils sont plus souvent cadres dans l’industrie et dans le secteur privé, sont souvent mariés avec des femmes inactives ou peu diplômées, et pour leurs enfants, les risques de mobilité descendante sont marqués (près d’un tiers d’entre eux sont employé ou ouvrier).
Selon que l’on soit enfant de cadre « populaire » ou de « dauphin », le déclassement social ne se vit pas de la même manière tant il revêt des significations différentes. Pour les premiers, le vécu peut être qualifié de générationnel tant affleure dans le discours le sentiment d’appartenir à une génération « sacrifiée », qui comparée à celle des ascendants, doit faire face à des perspectives nettement dégradées. Pour eux, la trajectoire descendante s’apparente à un retour à l’histoire « normale » d’une lignée marquée à un moment précis de son histoire par la soudaine mobilité ascendante d’un de ses membres.
Pour les enfants des « dauphins », le vécu se fait sur le mode de l’échec personnel. Nés dans des milieux favorisés, où le capital culturel est élevé, ils ne sont pas parvenus à reproduire la position du père. Le sentiment d’échec personnel domine alors et s’accompagne d’une difficulté à trouver sa place, dans la cellule familiale où prévaut le sentiment d’avoir rompu l’histoire de la lignée, mais aussi dans la société qui renvoie l’image de l’échec et dont on souhaite s’extraire.
Les conséquences politiques de la mobilité descendante
Quel que soit le type de vécu, la mobilité descendante, loin de n’être qu’une construction sociologique, (…) revêt une signification pour les individus. En particulier, ce n’est pas parce que le déclassement s’apparente à un retour à l’histoire « normale » de la lignée pour les enfants de cadres « populaires » qu’il est vécu de manière indolore. Au contraire, il est souvent perçu comme paradoxal et injuste puisque souvent plus diplômés que leurs parents, les individus concernés se trouvent cantonnés à des emplois d’exécution : le sentiment de frustration est fort tant domine l’impression d’avoir été trompé.
Au-delà de ces conséquences individuelles, l’augmentation des trajectoires descendantes revêt également des conséquences collectives. En effet, le sens de la trajectoire intergénérationnelle influence la manière dont on se représente le fonctionnement de la société. Sur le plan du comportement politique, la mobilité descendante se traduit par une recomposition (…) des attitudes. En particulier, la combinaison d’une forte hostilité au libéralisme économique et d’une faible préoccupation de redistribution sociale constitue un résultat relativement nouveau pour la science politique. Les victimes du déclassement social expriment ainsi un net besoin de protection de la part de l’Etat qui va de pair avec un rejet des « exclus » accusés de « profiter du système ».
Coexistent alors désormais au sein du même discours deux types de fragments habituellement opposés. Un fragment de « gauche », très critique du libéralisme économique, et un fragment « libéral », virulent à l’encontre des « assistés » .
Exigence d’un Etat protecteur donc, mais qui protège d’abord ceux qui travaillent. Sur le plan du positionnement partisan, les « déclassés » semblent relativement sensibles au discours de l’extrême droite. Le sentiment de frustration mentionné plus haut, ainsi que la recomposition originale du discours économique et social sont deux éléments que l’on peut avancer pour expliquer cette sensibilité à une extrême droite s’érigeant en défenseur des « petits » et des « sans grade » tout en pourfendant les « assistés ».


Ce texte est issu d’un rapport réalisé pour la Mission recherche (Mire) de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), ministère des affaires sociales.
Article publié le 22 mars 2007.


[1] Professions intermédiaires et cadres supérieurs notamment




Déclassement généralisé ?
Xavier Molénat
Les jeunes générations sont-elles condamnées à vivre moins bien que leurs parents ? Le débat a été animé au cours de l’été 2009. Dans Le Déclassement, paru début 2009, le sociologue Camille Peugny avait mis en évidence une diminution progressive des chances de mobilité ascendante au fur et à mesure des générations. Les générations nées dans les années 1940 et 1950 sont celles qui ont tiré le plus grand profit des transformations de la structure sociale française et du mouvement d’ouverture de l’école. Mais les perspectives se sont dégradées pour les générations nées à partir de 1960 qui, lors de leur entrée sur le marché du travail, font face à une conjoncture économique dégradée et un chômage croissant (hormis un léger mieux pour les générations nées au tournant des années 1960-1970). Le ratio ascendants/descendants reste toujours positif, mais diminue : il est de 2,2 pour les hommes de 40 ans nés en 1944-1948, de 1,8 pour ceux nés en 1954-1958 et 1,4 pour ceux nés entre 1964 et 1968. Ce qui traduit une « sévère dégradation des perspectives » : «  En 2003, parmi les individus âgés de 35 à 39 ans, 40 % reproduisent la position de leur père, 35 % s’élèvent au-dessus d’elle mais 25 % sont frappés par le déclassement. Parmi les individus du même âge en 1983, les proportions étaient respectivement de 42, 40 et 18 %. » Ainsi, selon C. Peugny, « le destin des enfants des classes populaires (ouvriers et employés) (...) s’est détérioré » entre les générations nées au milieu des années 1940 et celles nées vingt ans plus tard, qui connaissent une mobilité ascendante moins importante (20 % pour ces derniers, contre 27 % pour les premiers). Le diplôme reste la meilleure protection contre le déclassement… Et même celui des parents, et de la mère en particulier : « 66 % des hommes dont le père est cadre et la mère est diplômée du supérieur deviennent cadres à leur tour, contre seulement 30 % de ceux dont la mère n’est pas diplômée. » Reste que l’inflation scolaire conduit certains à subir un double déclassement, scolaire (ils n’obtiennent pas de poste à la hauteur de leur diplôme) et générationnel (ils n’arrivent pas à reproduire la position de leurs parents).
Un rapport du Conseil d’analyse stratégique (CAS), paru en juillet 2009, a voulu apporter un diagnostic plus nuancé de la situation (1). Ses auteurs, reprenant les chiffres de C. Peugny, juge la progression du déclassement incontestable mais modérée. La crainte généralisée du déclassement leur semble en décalage avec la réalité des faits : le solde de la mobilité sociale reste positif, les classes moyennes maintiennent leur position, et le nombre d’emplois qualifiés continue à augmenter. Mais d’autres phénomènes nourrissent l’anxiété : prix du logement, émergence des travailleurs pauvres, progression du surendettement…, phénomènes qui appellent, en effet, l’action des pouvoirs publics.
La réponse de C. Peugny ne s’est pas fait attendre. Dans une tribune du Monde paru quatre jours après le rapport du CAS, il a exprimé son désaccord total avec cette vision (2). D’une part, il a rappelé que les chiffres du déclassement qu’il a établis, et que reprend le CAS, sont des chiffres a minima, qui ne mesurent que des trajectoires fortement descendantes (un fils de cadre devenant ouvrier, par exemple). En intégrant des formes moins brutales de descente sociale, le taux de déclassement des fils de cadre pourrait atteindre non pas 24 % mais 45 %. D’autre part, on ne saurait se contenter de comparer la profession des parents et celle des enfants. La difficulté à acquérir un logement et la fragilisation des contrats de travail qui « interdisent toute projection dans l’avenir » sont autant d’indicateurs du déclassement générationnel. Loin qu’il y ait « un écart entre une réalité nuancée et une perception beaucoup plus sombre », le déclassement, selon C. Peugny, «  constitue bel et bien la réalité vécue par une proportion croissante des jeunes générations, victimes de la précarisation, du chômage de masse et d’une baisse sensible de leur niveau de vie ».
NOTES :
(1) Centre d’analyse stratégique, « La mesure du déclassement. Informer et agir sur les nouvelles réalités sociales », juillet 2009.
(2) Camille Peugny, « Non, la montée du déclassement n’est pas un mythe », Le Monde, 14 juillet 2009

1920-2008 : les 5 générations actuelles



J'ai trouvé une présentation très bien faite de ce sujet sur cette page, à laquelle je vous renvoie. La question des générations X-Y-Z  est en particulier un sujet souvent abordé ces derniers temps, pour ne pas dire un sujet à la mode.
Je prépare une page sur ce thème, mais ce premier lien que je vous donne permet de mettre en place le cadre nécessaire à la réflexion.
Pour ma part, j'appartiens à la génération X ; et vous? vous reconnaissez-vous dans votre génération telle qu'elle est définie ici?

En complément, quelques liens et articles :

- la question des générations du point de vue du Management et des R.H.
- Génération Y 2.0 :  un site de Management consacré à la Génération Y.

Tuer le père : Oedipe - Le complexe d'Oedipe d'après Freud

Oedipe incarne dans l'imaginaire collectif le meurtrier du père et celui qui le remplace comme amant de sa mère, symbole mythique de l'affrontement des générations. Mais quel est exactement ce mythe? Et qu'appelle-t-on le "complexe d'Oedipe"?


Oedipe et le Sphinx, Gustave Moreau, 1864

Le Mythe 


"Dans la mythologie grecque Œdipe est le fils de Laïos et de Jocaste, qui règnent sur Thèbes. Un oracle prédit à Laïos qu'il sera plus tard tué par son fils : plutôt que de le faire périr, il abandonne Œdipe dans la montagne, après avoir pris soin de lui lier les pieds. Mais un berger trouve l'enfant et le confie au roi de Corinthe Polybos, qui l'élève comme son propre fils, sans lui révéler le secret de ses origines, et le nomme Œdipe, celui qui a les pieds enflés.

Un nouvel oracle prédit à Œdipe qu'il sera le meurtrier de son père : ignorant que Polybos n'est pas celui-ci, il quitte Corinthe pour que la prédiction ne puisse se réaliser. Pendant son voyage, il rencontre Laïos et ses serviteurs et tue son vrai père, qu'il prend pour le chef d'une bande de voleurs.
Lorsqu'il arrive à Thèbes, but de son voyage, il ne peut entrer dans la ville : un monstre sanguinaire, le Sphinx, en empêche l'accès, tuant et dévorant tous les voyageurs incapables de résoudre l'énigme qu'il leur propose. Mais Œdipe trouve la solution, et le Sphinx se tue lui-même : Œdipe devient un héros adulé par les habitants de la ville, qui le proclament roi et lui donnent comme femme la veuve de Laïos, Jocaste, qui n'est autre que sa propre mère.

Oedipe et le Sphinx, J.-A. Ingres, 1808



De nombreuses années s'écoulent, pendant lesquelles Œdipe et Jocaste, ignorant leurs véritables liens de parenté, vivent fort heureux. Mais un jour une épidémie de peste s'abat sur Thèbes, et l'oracle de Delphes annonce que cette épidémie durera tant que le meurtrier de Laïos ne sera pas châtié. Œdipe alors fait rechercher le coupable, mais il ne tarde pas à se rendre compte que c'est lui qui a tué Laïos sans savoir que celui-ci était son père.
Quand Jocaste apprend la nouvelle, elle se suicide de désespoir, et Œdipe comprend que leurs enfants, Étéocle, Polynice, Antigone et Ismène sont maudits. Il se crève alors les yeux et renonce à la royauté. Quelques années plus tard, il est chassé de Thèbes ; errant çà et là, accompagné d'Antigone sa fille qui lui sert de guide, il arrive dans un lieu de culte non loin d'Athènes, où l'on vénère les Euménides. C'est là qu'il meurt, juste après qu'Apollon lui a promis que l'endroit de sa mort sera un lie sacré et bénéfique pour Athènes." (source : ac-strasbourg.fr/pedago/lettres)


Commentaire


Contrairement à Cronos ou à Zeus, on voit qu'Oedipe n'a pas conscience de tuer son père, et même, qu'il cherche à échapper au parricide en fuyant Polybos. Ce mythe est donc fondamentalement différent de celui de Cronos-Saturne, et on pourrait même s'interroger sur son lien avec la question des générations : pour Jean-Pierre Vernant (1914-2007), historien et spécialiste des mythes grecques, ce mythe pose d'abord et essentiellement la question de l'identité et de la culpabilité, bien que la malédiction d'Oedipe réside dans le fait qu'il a "brouillé" les générations et donc l'ordre naturel des choses : "On brouille toutes les générations humaines et on comprend alors que sa présence à Thèbes fasse qu’il n’y a plus de saisons, qu’il n’y a plus de rythme temporel où après l’hiver c’est le printemps, c’est l’été, c’est l’automne. L’été de l’homme, c’est le moment où il est à deux pieds. L’automne et l’hiver c’est le moment où il est à trois pieds et le printemps, c’est quand il est à quatre pieds. Il a tout brouillé. Maintenant, il n’y a plus de saisons Thèbes, c’est la pagaille, c’est le chaos temporel. Il a été cela. Et on voit que cet homme qui savait tout est aussi énigmatique que l’homme que représente Œdipe. Il est énigmatique, on ne sait pas ce que nous sommes. Sa faute, il est coupable du crime le plus grand, de la souillure la plus grande : coucher avec sa mère, tuer son père." (Jean-Pierre Vernant,"Les grands entretiens", 2 mai 2002)

Si la figure d'Oedipe paraît étroitement liée à la question des générations, c'est à cause de l'interprétation qu'en donna Freud, et de la théorie qu'il élabora à partir de ce mythe.
Bien que cette théorie ait été depuis controversée et souvent critiquée, elle n'en demeure pas moins célèbre et souvent citée et utilisée ; c'est pourquoi il convient de la connaître.

Tuer le père : le complexe d'Oedipe d'après Freud

Selon Freud, la mère est le premier objet de l'amour et du désir de l'enfant, car c'est elle qui satisfait, en le nourrissant, toutes ses envies et ses désirs dès la naissance."L'enfant établit un lien étroit entre la satisfaction de ses besoins et l'amour de sa mère : ses besoins ne seront satisfaits que pour autant qu'il est aimé de sa mère, et pour en être aimé il lui faut se conformer à ses exigences et à ses désirs. Sa plus grande angoisse est qu'un tel lien puisse être détruit [...] C'est dans ce contexte que vient prendre place le personnage du père. Il y apparaît comme un troisième terme qui s'introduit en gêneur pour l'enfant dans la relation à deux avec la mère, et qui en compromet le caractère exclusif. L'enfant s'aperçoit qu'il n'est pas tout pour sa mère, qu'il ne peut pas prétendre à posséder seul son intérêt et son amour." (G.P. Brabant, Clefs pour la psychanalyse, 1970) Pour le garçon, "en outre, côte à côte avec les sentiments positifs, l'affection et l'admiration qu'il voue éventuellement à son père, existent des sentiments hostiles et des souhaits de mort à son endroit, issus de la rivalité relative à la mère." (Brabant, op. cit.). Par ailleurs, le garçon doit en même temps construire son identité sexuelle, sa masculinité, en s'identifiant au père tout autant qu'il le jalouse et le rejette.

Ainsi, nous pouvons dire que la théorie de Freud considère comme fondamental le "conflit des générations" : selon lui, le garçon doit symboliquement éliminer le père et prendre sa place pour pouvoir devenir adulte et père à son tour.

Tuer le père : le mythe de Saturne-Cronos


Saturne dévorant ses enfants, Goya, 1820


Le mythe de Cronos (Saturne chez les Romains) s'inscrit dans un ensemble de mythes du parricide (meurtre du père) ; dans ce mythe, la naissance du fils est soumise à l'élimination du père : c'est en supprimant la génération précédente qu'une nouvelle génération accède au monde et au pouvoir.
Il est cependant intéressant de remarquer qu'on trouve également dans ce mythe une reproduction des générations :  après avoir éliminé son père, Cronos est à son tour éliminé par son propre fils ; et il reproduit le comportement de son père alors même que c'est ce comportement qui avait entraîné le parricide. Seul Zeus parvient à mettre fin au cycle d'élimination-reproduction, en instaurant un nouveau mode de pouvoir.

Résumé du mythe


"Fils d'Ouranos (le Ciel) et Gaïa (la Terre), Cronos appartient à la première génération des dieux ; il est le plus jeune des Titans, les douze enfants divins possédant une apparence normale.
Homère et Hésiode le nomment « le dieu aux pensers fourbes » ou « à l'esprit retors ». Hésiode ajoute qu'il hait son père, lequel voue les mêmes sentiments à ses enfants, sans que l'on sache si cela s'applique seulement à ses enfants difformes — les Cyclopes et les Hécatonchires — ou à l'ensemble de sa progéniture. Dès leur naissance, il les emprisonne dans le sein de leur mère. Furieuse, Gaïa fabrique une faucille en acier et demande à ses enfants de l'aider à se venger, mais seul Cronos répond à l'appel. Placé en embuscade, il attaque Ouranos alors que celui-ci vient se coucher avec Gaïa, et de sa faux, lui tranche les testicules, qu'il jette à la mer. Ouranos leur donne alors le nom de « Titans » parce que, précise Hésiode, ils ont tendu le bras trop haut et parce que l'avenir saura en tirer vengeance. Ouranos et Gaïa avertissent également Cronos qu'il sera détrôné à son tour par son propre fils.
Hésiode n'indique pas que Cronos assume le pouvoir à la mort de son père, même s'il mentionne par ailleurs qu'il règne parmi les Immortels. En revanche, des sources plus tardives indiquent qu'une fois libérés, les Titans accordent le trône à leur frère, dont la première mesure est de jeter dans les profondeurs du Tartare ses frères difformes, les Cyclopes et les Hécatonchires.


Cronos épouse sa sœur Rhéa. N'oubliant pas la prophétie de ses parents, il dévore chacun de ses enfants au fur et à mesure qu'ils naissent : Hestia, Déméter et Héra, puis Hadès et Poséidon sont ainsi avalées par Cronos. Lorsque arrive le sixième, Rhéa, sur le conseil de sa mère Gaïa, cache l'enfant en Crète et le remplace par une pierre que Cronos engloutit directement.
L'enfant ainsi épargné est Zeus. Il grandit loin de ses parents, et une fois parvenu à l'âge adulte, veut libérer ses frères et sœurs. Avec Gaïa, il s'arrange pour les faire recracher à son père — Hésiode ne précise pas comment, mais des sources tardives précisent que c'est Métis, déesse de la ruse, qui offre à Cronos un émétique [vomitif]. Celui-ci vomit alors tout ce qu'il avait ingurgité jusque là, y compris la pierre qui l'a abusé, que Zeus place ensuite à Delphes. Une variante orphique veut que, sur suggestion de Nyx, Cronos ait été drogué avec du miel, attaché puis castré à son tour. En tout état de cause, il finit jeté dans le Tartare, tandis que Zeus Déméter, Hestia, Héra, Poséidon et Hadès gagnent les cimes du mont Olympe.
Zeus libère les Hécatonchires et les Cyclopes du Tartare et, en récompense, reçoit de ces derniers le trait de foudre, qui lui sert à vaincre les Titans." (source: wikipedia)